Interview BDSM : confessions de Céline Messine
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Cela fait maintenant plusieurs semaines que nous suivons avec un grand intérêt les récits de Céline Messine sur son blog (www.mlle-blog.com), où elle raconte son quotidien de soumise.
Très intrigués par ce milieu que nous ne connaissons qu’à travers nos lectures, nous avons voulu en savoir plus sur ces pratiques en lui posant quelques questions. Voici ses réponses.
Comment avez-vous découvert le BDSM et comment vous êtes-vous lancée là-dedans ?
J’ai découvert le BDSM au travers de la lecture d’une nouvelle lorsque j’étais adolescente : Le Pénitent de John Peyton Cooke. Un pur hasard car cette nouvelle faisait partie d’un recueil appelé Noir comme l’amour et dans lequel j’étais intéressée au départ par celles de Stephen King.
Avec les yeux de la jeune ado que j’étais cela m’avait complètement bousculée, la nouvelle mettait en scène un jeune homme qui tombe sous le charme d’une jeune femme dominante cruelle. La dévotion qu’il lui offrait m’avait tellement touchée. J’étais très précoce et cette nouvelle, je l’avais lue à 12 ans.
J’ai rencontré Mon Maître peu de temps après, à 14 ans. J’étais une jeune fille déboussolée et très avide de sexualité, je démultipliais les rencontres avec des hommes mûrs que je provoquais beaucoup, je faisais bien plus que mon âge ce qui n’arrangeait rien.
J’ai eu la chance de tomber sur lui. Il a su me canaliser, m’écouter, me faire comprendre mes envies.
Le BDSM est venu naturellement après que nous ayons partagé nos lectures sur le sujet, j’ai souhaité qu’il devienne Mon Maître. C’est une relation atypique et peu morale qui se créait là mais elle me convenait parfaitement et m’évitait de continuer mes rencontres dangereuses. Cela me canalisait.
Les gens ont tendance à regarder le début de notre relation avec un mauvais œil. Je peux le comprendre mais je n’ai plus quatorze ans et avec du recul, je sais qu’il me serait arrivé de graves problèmes car je cherchais, je provoquais les hommes que je rencontrais grâce à Internet. J’aurais pu très mal tomber. Au lieu de ça j’ai découvert mes envies et désirs de façon progressive et j’ai compris mes envies les plus sombres, mes besoins violents. Quand on me voit aujourd’hui, à 25 ans il est difficile de remettre en cause cette relation.
Pourquoi avoir décidé de partager vos expériences BDSM sur un blog ?
J’ai toujours aimé écrire et lire. Je m’étais aussi aperçue qu’à part les sites qui édictent de nombreuses règles qui sortent de je ne sais où, on ne retrouve finalement que peu de blogs comme le mien qui relatent les expériences passées et vécues sur le thème du BDSM. Je pensais que cela pourrait peut-être aider d’autres pratiquants ou novices en la matière.
Je suis fière de ma condition, je l’assume totalement aujourd’hui et n’ai plus honte de le montrer.
Je repense aussi à la jeune fille perdue que j’étais et qui ne trouvait nulle part de réponses quant à ses désirs inavouables. Partager mes expériences pourrait peut-être aider certaines autres personnes à se comprendre, à s’accepter.
Sur un plan personnel cela m’a aussi aidée à m’assumer pleinement et à continuer mon évolution. Je ne pense pas qu’être soumise doit induire le fait de se cacher, je suis fière de ma condition, je l’assume totalement aujourd’hui et n’ai plus honte de le montrer. Les reproches du passé sont balayés par les évidences du présent. Je le vis au grand jour ce qui me permet de m’affirmer.
Quels sentiments existe-t-il entre un Maître et sa soumise (et vice-versa) ?
Je pense que comme dans toute relation, les sentiments entre un Maître et sa soumise évoluent avec le temps. Je ne peux pas parler à la place de tout le monde et il est fort probable que ces sentiments ne soient pas les mêmes d’un couple BDSM à un autre.
La passion est certainement le tout premier sentiment qui m’avait animée lorsque j’ai rencontré Mon Maître. Les passions sont souvent destructrices si les sentiments n’évoluent pas en « autre chose ».
Je ressens aujourd’hui pour Mon Maître un profond respect, une infinie reconnaissance et je lui appartiens.
Aujourd’hui, on parle facilement d’amour de la soumise pour son Maître, mais évidemment cela ne se traduit pas de la même façon que pour un couple classique (que l’on nomme « vanille »). Je ressens aujourd’hui pour Mon Maître un profond respect, une infinie reconnaissance et je lui appartiens, il me possède.
Ma soumission est absolue et je suis rentrée en soumission comme on rentre dans les ordres. La comparaison est cocasse 🙂
Mon Maître me le rend très bien en assumant parfaitement sa position et c’est ainsi que cela fonctionne. Il m’apporte tant de choses comme sa protection, son éducation, son temps, son savoir, ses connaissances, sa bienveillance, son respect également.
Un lien extrêmement fort, bien plus solide qu’une passion éphémère, s’est créé au fil des années et se renforce toujours plus.
Comment différencier un « vrai Dominant » d’un « faux Dominant » ?
Je ne pense pas qu’il y a des « vrais » ou « faux » dominants, je crois qu’être dominant est un caractère possible et qui ne s’exprime d’ailleurs pas forcément dans le domaine BDSM.
Je pense par contre qu’il y a des vrais et des faux Maîtres. J’écarte volontairement les gens qui « jouent » au BDSM pour pimenter leur vie sexuelle et qui rentrent dans un rôle (le maître, la soumise) au moment de s’exciter et qui en sortent une fois les plaisirs atteints. Nous ne sommes pas là dans une réelle éducation BDSM mais dans un jeu.
Un vrai Maître […] encadre la vie de la soumise dans son ensemble. Il éduque et fait grandir sa soumise.
Les « faux » Maîtres sont souvent uniquement animés de leurs recherches sexuelles et sont prêts à faire croire n’importe quoi à une femme soumise pour obtenir d’elle son abnégation. Cela peut hélas parfois aller loin et laisser la soumise dans un état psychologique des plus fragiles. Cela arrive aussi dans les vies plus classiques me direz-vous.
Les vrais Maître eux sont aussi présents et efficients en dehors des pratiques sexuelles, c’est à mon sens la grande différence. Un vrai Maître ne l’est pas uniquement lorsqu’il s’agit de se satisfaire sexuellement, il l’est en permanence et encadre la vie de la soumise dans son ensemble. Il éduque et fait grandir sa soumise. Il oriente ses choix, l’aide dans sa progression, l’affirme peu à peu.
Le vrai Maître se responsabilise de la vie quotidienne de sa soumise : professionnelle, sociale. Le vrai Maître maîtrise, il est un guide.
Il y en a malheureusement très peu et surtout de nos jours ou des phénomènes type 50 shades of grey amènent beaucoup trop de romantisme dans ces rapports. Les femmes attendent donc ce romantisme et certains hommes y voient une faille pour obtenir des faveurs sexuelles. Ils s’autoproclament Maître sans rien connaître de ce monde, sans la moindre expérience et fondent sur leurs proies, souvent fragiles, qui vont se donner sans mesures dans l’espoir de recevoir une éducation réelle. Cela peut être très destructeur, hélas.
Comment différencier une « vraie soumise » d’une « fausse soumise » ?
Encore une fois je pense que les adjectifs « vraie » et « fausse » ne vont pas à côté du statut de soumise.
Je mettrais une nuance sur leur degré de soumission. Comme pour les dominants, je pense que beaucoup de personnes soumises vivent leur soumission de façon sporadique, du moins séparé de leur vie vanille par simple jeu sexuel. Elles « rentrent » dans un personnage dont elles sortent une fois le tableau érotique passé.
Souvent elles ont une vie de famille dans laquelle elles ne ressemblent en rien à la soumise qui se retrouvera aux pieds de son Maître dans l’intimité. Cela se retrouve aussi bien dans les couples illégitimes que mariés. Elles vivent leur relation BDSM ponctuellement et le délimitent bien de leur vie vanille.
Je me définis comme une soumise absolue. Je ne rentre pas en soumission pour en sortir à un autre moment de la journée. Je le suis en permanence. Ce qui ne veut pas dire que je rampe dans la rue ou que je n’ai aucun caractère, bien au contraire, mais ce sentiment d’appartenance, de don que j’ai vis à vis de Mon Maître est permanent : cela fait partie intégrante de ma vie.
Je pense que ce type de soumises considèrent leur don comme absolu et ne l’ont jamais imaginé autrement lorsqu’elles ont trouvé Leur Maître. Je pense qu’elles se sentent réellement appartenir et que cela ne leur fait pas peur, que cela les épanouit. Elles ont décidé de confier la direction de leur vie à leur Maître, dans le but de leur épanouissement personnel.
Pour ce type de soumise, le BDSM n’est plus un jeu mais un mode de vie.
Qu’est-ce qu’une relation de D/s apporte de plus qu’une relation plus classique de couple ?
Je pense qu’il y a pour certains un jeu qui pimentera la vie sexuelle du couple pour échapper à la routine ou encore un défouloir face à un quotidien oppressant. Je pense aussi que cela apporte un épanouissement sexuel particulier aux personnes qui ont une jouissance cérébrale. Pour d’autres, cela peut conduire à un épanouissement total, au-delà du sexuel.
Pensez-vous avoir des limites infranchissables ou recherchez-vous constamment à vous dépasser?
Personnellement, je ne pense pas avoir de limites infranchissables. Je me souviens que lorsque je suis devenue la soumise de Mon Maître, je n’ai jamais pensé aux limites, à ce qui pourrait me faire peur d’expérimenter. J’avais lu des tas de pratiques que je pouvais appréhender mais j’avais déjà cette confiance totale en Mon Maître et je ne voulais pas me donner à lui à moitié, je n’envisageais pas ma soumission sans absolu car je pense que c’est ce qu’il y a de plus beau dans la soumission, cet abandon total. Je pense d’ailleurs que nous avions la même conception de ce don et que c’est une réelle chance de s’être ainsi trouvés.
Je n’envisageais pas ma soumission sans absolu car je pense que c’est ce qu’il y a de plus beau dans la soumission, cet abandon total.
J’aime quand Mon Maître me fait me dépasser, j’ai compris que cela me délivre un peu plus à chaque fois, fait grandir mon estime personnelle, me dévoile à moi-même et m’épanouit totalement. Je pense que ce ne serait pas le cas avec quelqu’un d’autre, que je ne pourrais pas me donner sans limites à n’importe qui. Mon Maître sait aussi toujours trouver le bon moyen de m’amener à me dépasser, il lit en moi, je me sens connectée à lui et j’ai une confiance aveugle envers lui. Je pense que c’est indispensable que le lien entre le Maître et sa soumise soit si profond pour que le don soit sans limites.
Faut-il avoir expérimenté l’autre rôle pour pouvoir être un meilleur soumis/dominant ?
Non, je ne le pense pas. Je pense que cela varie fortement selon les personnes. Il faut s’écouter et ne pas manquer une expérience désirée par simple orgueil, je veux dire par exemple un dominant qui se verrait attiré par la soumission ne devrait pas s’imposer de barrières parce que cela semble incompatible. Peut-être qu’il trouvera un équilibre ou qu’il se rendra compte qu’il s’épanouit mieux dans l’autre rôle. Quoiqu’il en soit il ne faut jamais se forcer à vouloir être l’un ou l’autre ni s’improviser à être l’un ou l’autre.
Pour ma part, je sépare totalement la soumise et la domina en moi. Je suis soumise uniquement à Mon Maître et cela ne m’empêche en aucun cas de dominer par ailleurs hommes comme femmes.
C’est lui qui m’a amenée sur ce chemin et qui m’y guide. Lorsque je domine une personne soumise, mon expérience de soumise m’aide dans certaines pratiques car je les ai moi-même subies mais je ne pense pas qu’elle soit l’assurance que cela fasse de moi une meilleure domina qu’une autre.
Je pense que tout le reste est un naturel qui sommeillait en moi et qui me permet un certain équilibre depuis qu’il est révélé.
Pensez-vous que n’importe qui puisse entretenir une relation BDSM ou bien faut-il avoir un certain état d’esprit à la base ?
Je pense que le BDSM n’est pas à destination de tous et tant mieux, surtout de par ses pratiques Sadomasochistes. Certains romans de gare peuvent essayer de faire croire que ces orientations sont bonnes pour tout le monde, je ne le crois vraiment pas. Là encore, je fais la distinction entre les personnes qui « jouent » avec le BDSM et ceux qui « vivent » leur BDSM en permanence. Pour « jouer », il suffit d’en avoir envie, pour le « vivre » il faut que cela soit profondément ancré en vous.
On ne s’improvise pas Maître ou soumise.
Je pense que cela nécessite certaines prédispositions dans les deux rôles et que l’on ne s’improvise pas Maître ou soumise. Dans BDSM il y a SM et là nous parlons de recherche de plaisir dans la douleur, là encore ce n’est pas donné à tout le monde. Certes, une petite fessée le samedi soir peut être érotique, nous sommes loin des coups de fouets. Une petite fessée n’est pas du SM.
Dans ce sens, on voit apparaître un terme qui me paraît détestable : le SM soft. Comment le sadomasochisme, le plaisir dans la douleur peut-il être soft ? C’est un peu comme le porno-chic. Cela transporte l’idée que c’est accessible à tout le monde et franchement, je ne le crois pas.
En ce qui concerne l’état d’esprit, je pense que l’on se sait soumis ou bien dominant et que cela ne se fait pas par hasard, que cela fait partie du caractère, de la personnalité, de « l’âme » de la personne, des aléas de la vie et que cela ne s’improvise pas.
Des conseils à donner pour ceux qui souhaitent se lancer dans le BDSM ?
Oui, j’aimerais conseiller les personnes qui découvrent le BDSM de prendre le temps de bien se renseigner, de lire les classiques du genre ou pourquoi pas des expériences comme la mienne en ligne, se rendre dans des soirées spéciales BDSM pour qu’ils puissent réellement mesurer ce qu’est le BDSM et se faire leur propre avis sur ce qui les attire réellement.
Je pense que c’est important avant de se lancer en quête d’un partenaire de savoir où l’on veut aller. Il y a tellement de personnes qui se cachent et qui vivent cela dans le fantasme (les faux comptes, les hommes qui se font passer pour des femmes, les personnes qui s’autoproclament maître alors qu’ils n’ont pas et n’ont jamais eu de soumises, les soumises romantiques loin du SM, …) qu’il est souvent bien difficile de rencontrer quelqu’un qui corresponde à ses attentes. Connaître ses propres attentes peut permettre de mieux diriger ses recherches.
Ce n’est pas à coups de cravache qu’un Maître se fait respecter mais par la grandeur de sa personne.
Il peut être dangereux (je pense notamment aux femmes) de se donner à n’importe qui. Le mieux est de prendre le temps de se connaître et que la relation évolue en même temps que grandit la confiance. Un Maître sérieux sera de lui-même patient et apprendra à connaître sa soumise. Le monde du BDSM est hélas propice aux abus et Internet facilite ces choses. On ne doit pas se sentir soumise par la force de la personne en face de nous mais par le respect qu’on lui porte. Ce n’est pas à coups de cravache qu’un Maître se fait respecter mais par la grandeur de sa personne. Le BDSM ne doit pas se vivre dans la souffrance mais dans le plaisir, l’épanouissement.
Merci encore à Céline Messine de nous avoir accordé un peu de son temps pour répondre à nos questions. N’hésitez pas à réagir dans les commentaires et à partager cet article 🙂